Lubrizol, cauchemar au rectorat en trois actes

La réaction du Rectorat à la catastrophe du 26 septembre en trois temps, une illustration du fait que les pouvoirs publics ne sont pas prêts en cas de catastrophe majeure.

Lubrizol : cauchemar au rectorat en 3 actes :

Acte 1 : L’article 22 ou l’art de se débrouiller…

Le jeudi 26 septembre 2019, lors de l’incendie de l’usine Lubrizol classée Seveso seuil haut, la communication et la gestion de la crise par l’Administration a été défaillante. En effet, pendant que des milliers de tonnes de produits chimiques brûlaient et constituaient un gigantesque nuage toxique, le secrétariat général du rectorat de Rouen a envoyé à 8h42 un message aux chefs de division et certains responsables indiquant : Tous les services du rectorat restent ouverts. Les personnels peuvent rejoindre leurs postes de travail. Seules les personnes dont l’état de santé est fragile sont invitées à rester à leur domicile. Quinze minutes plus tard, à 8h57, un autre message a été envoyé aux mêmes destinataires précisant : Les personnels de vos services n’ayant pas rejoint le rectorat aujourd’hui ont pour consigne de rester à leur domicile.

Le temps que ces messages soient transférés aux personnels, l’horloge continuait de tourner pendant que les esprits se tourmentaient : On y va ? On y va plus ? Et ceux qui y sont déjà ? Ils restent ? Ils repartent ?

Acte 2 : Y-a-t-il un pilote dans l’Administration ?

Les collègues présents à leur poste de travail, n’ont reçu aucune consigne sur la conduite à tenir en de pareils cas. Pourtant, sur le site de la préfecture, dans le point de situation à 9h le 26 septembre 2019, il est écrit :

– Restez à l’abri des fumées.

Que faire en cas d’accident industriel : si un nuage toxique vient vers vous, dans la mesure du possible, respirez à travers un linge humide. Si les services de secours vous demandent de vous mettre à l’abri, respectez les consignes de confinement : bouchez toutes les entrées d’air (portes, fenêtres, aérations…) arrêtez ventilation et climatisation, supprimez toute flamme ou étincelle (n’allumez pas le gaz, ne fumez pas…).

Pourquoi les collègues n’ont pas eu ce rappel des consignes de sécurité ? Et surtout, pourquoi ces règles de sécurité n’ont pas été respectées ?

Il n’y a pas eu de confinement. Au contraire, la libre circulation a laissé rentrer l’air extérieur. Et la ventilation, quant à elle, n’a pas été coupée.

Sur le site internet du rectorat de Rouen, il était indiqué : Suite à l’incendie de l’usine du site Lubrizol ce 26 septembre, le préfet de Seine Maritime a décrété la fermeture de l’ensemble des établissements (écoles, collèges et lycées) les vendredi 27 et samedi 28 septembre 2019. Cette mesure de précaution s’applique dans les communes situées dans le périmètre de l’arrêté préfectoral.

Pourquoi cette mesure de précaution n’a pas été prise pour le rectorat qui se trouve dans le périmètre de cet arrêté ?

A la place de cette mesure de précaution, un message a été

dig

envoyé aux mêmes destinataires que le matin émanant du secrétariat général à 18h17 le jeudi 26 septembre 2019 précisant : Je vous informe que les services du Rectorat seront ouverts demain, vendredi 27 septembre, pour tous les personnels qui seront en capacité de rejoindre leur poste.

Ce mail a été transféré aux personnels alors qu’ils étaient déjà au rectorat le vendredi 27 septembre 2019, en fin de matinée pour certains services. Là encore, nous avons une information ambiguë. En effet, être en capacité de rejoindre son poste est une chose, être en capacité de rester sur son poste et d’avoir des conditions de travail satisfaisantes en est une autre.

Ces messages illustrent bien la fragilité de la capacité de prise de décisions par l’Administration en cas de crise.

Acte 3 : Allô docteur ?

Le vendredi 27 septembre 219, à 8h13, un mail émanant du secrétariat général était envoyé aux mêmes destinataires que la veille indiquant : A la reprise des activités ce matin, nous invitons les personnels à aérer l’ensemble des locaux au sein desquels ils exercent ; l’odeur laissée par les fumées pourrait persister encore pendant quelques jours. Nous vous remercions par avance pour votre collaboration et votre compréhension.

Dans la journée, se sont succédé des vagues d’odeurs très fortes en fonction de l’intervention des pompiers sur le site et le sens du vent rendant ainsi difficile le fait de respirer dans les locaux.

A 11h57, un nouveau mail mentionnait : Pour votre information, des masques sont mis à disposition à l’accueil du rectorat.

D’après les collègues présents au rectorat le vendredi 27 septembre 2019, l’odeur était insupportable.

Dans les jours qui ont suivi l’incendie, de nombreux collègues ont ressenti certains symptômes: maux de gorge, nausées, gênes respiratoires et maux de tête.

Le fait d’inhaler les odeurs laissées par l’incendie a eu un impact sur l’état de santé des personnels.

Epilogue :

Au vu de la gestion de la crise « Lubrizol », il est indéniable que la chaîne hiérarchique n’était pas préparée à gérer une telle situation. La communication et la prise de décisions a été clairement défaillante. Il est donc indispensable de mieux se préparer pour mieux réagir.

Ainsi, le SGEN-CFDT demande :

– des protocoles de gestion de crise en terme de communication,

Exemples :

  • l’alerte par sms à l’ensemble des personnels,

  • l’envoi par mail des consignes de sécurité émanant de la préfecture.

– la mise en place d’un PPMS (Plan Particulier de Mise en SûPROTECTIONreté) et des zones de confinement à l’instar des établissements scolaires,

– le suivi médical des personnels qui le souhaitent par les spécialistes de santé du rectorat.