Un regard sur le confinement dans l’enseignement agricole

Dans l’enseignement agricole, l’annonce du confinement a été aussi brutale qu’à l’EN. La preuve en est que le jeudi les JPO prévus dans certains établissements normands pour le WE suivants étaient toujours maintenues.

Pour les agents, la journée du vendredi 13 mars 2020 a donc été la seule journée disponible pour préparer la phase de confinement avec les apprenants présents. Personne ne pensait alors que sa durée serait aussi longue. Le délai trop court de réflexion en amont n’a pas permis une préparation suffisante des apprenants.

Une partie des enseignants et des apprenants n’ont pas bien mesuré les enjeux de ce qui se passait en cette période inédite et singulière. Les élèves présents ce jour nous avaient pourtant dit qu’ils avaient la possibilité de se connecter sur pronote à la maison, sans penser que cela serait difficile avec un simple téléphone et qu’ils ne seraient pas les seuls à utiliser les supports numériques au domicile. Les contraintes matérielles d’un enseignement à distance se sont ainsi dévoilées progressivement.

Ce manque d’anticipation a été préjudiciable. Bon nombre d’établissements agricoles possèdent un parc informatique mobile qui aurait pu être mobilisé au bénéfice des élèves sans équipement.

Les adresses mél des élèves ainsi que les coordonnées téléphoniques ont pu être échangées lors de cette journée et les enseignants volontaires ont pu donner les leurs. Avec du recul, cette possibilité d’échange par « texto » a permis de réduire le décrochage en apportant une aide rapide et une souplesse auprès des élèves. L’improvisation qui a caractérisé cette période fût au final, très consommatrice de temps et d’énergie pour l’ensemble de la communauté.

Les 15 premiers jours ont demandé aux enseignants des efforts importants pour être à l’aise avec les outils numériques. Chacun a dû s’auto-former seul notamment grâce aux tutos trouvés en autonomie malgré la diffusion de communications numériques venant des institutions, jugées souvent trop techniques pour les novices.

Pour les apprenants, ces efforts ont été permanents. Parmi eux, certains demandaient une assistance fréquente auprès des enseignants.

Par la suite, un rythme de croisière, s’est installé, malgré la lourdeur de gestion pour certains enseignants qui devaient concilier continuité pédagogique à la fois pour leurs élèves et leur enfant sans pouvoir bénéficier de soupape de décompression.

Ce rythme n’a malheureusement pas été trouvé par certains élèves.

Pour les agents de l’enseignement agricole qui ont poursuivi le travail en présentiel (cf exploitation pédagogique), des contraintes particulières sont également apparues : absence de repas ou d’entretien effectué par les agents de région (plus problématique au regard de la crise sanitaire), gestion du quotidien plus compliqué.

Les agents mobilisés, en présentiel ont souffert de la dégradation de leur condition de travail avec des répercussions sur l’organisation de la vie familiale, en net contraste avec ceux qui restaient confinés à domicile (ASA ou télétravail)

Les semaines ont avancé et nous avons perdu le lien avec les élèves les moins autonomes et les plus immatures vite dépassés et sans véritablement disposer de moyens concluants pour les récupérer. Quelques familles n’ont pas joué le jeu et facilité ce processus.

Au fur et à mesure des semaines, des enseignants ont alors commencé à ressentir un isolement, ponctuellement un manque d’information ou des successions d’informations parfois contradictoires.

Quand aux équipes de direction, elles ont dû parfois faire face aux injonctions contradictoires, issues du niveau national ou régional, d’une journée sur l’autre.

Elles ont dû gérer le quotidien souvent avec peu de personnel sur place et avec la mise en place de procédures exceptionnelles dans le cadre de la gestion de cette crise (PRA à modifier tout le temps et plus récemment, emploi du temps à créer en combinant du présentiel pour quelques élèves tout en conservant le distanciel)

La rentrée scolaire prochaine sera certainement différente des précédentes.

Les budgets des établissements sont aussi touchés par cette crise Covid notamment à cause de frais supplémentaires de mises aux normes sanitaires ou d’achats de matériel sur les budgets établissement, un manque à gagner sur ce que l’exploitation n’a pas pu vendre…

Cela laisse présager des arbitrages budgétaires compliqués dans les équipes pour l’année prochaine.

Le mois de juin qui démarre est atypique.

Les grandes vacances vont permette à chacun de souffler et de se poser. Nous espérons tous qu’une reprise plus souple au niveau sanitaire puisse être envisagée en septembre.

Le corps enseignant, à l’occasion de cette crise, aura développé de nouvelles compétences au niveau numérique quelque soit son niveau de départ et aura prouvé une fois de plus ses capacités d’adaptation dans l’intérêt des apprenants.