Si la nouvelle circulaire n’annonce rien de bien nouveau, elle contribue à cimenter un ensemble de mesures positives prises durant le mandat de François Hollande.
On se souvient comment, le jour de son départ, l’équipe sortante de M. Sarkozy avait signé à la dernière heure un décret réformant en profondeur l’évaluation des enseignants, ce sans réelle concertation et dans un sens extrêmement dur pour la profession. La première mesure de M. Peillon arrivant à son ministère fut d’abroger ce décret. Dans une démarche similaire de testament politique pour un gouvernement sortant, le 10 mai, Mme Belkacem pour l’éducation et la recherche, Mme Azoulay pour la culture, M. Kanner pour la Jeunesse et les sports et Mme Geoffroy pour la ville, ont cosigné leur dernier acte politique de la législature alors que les cartons achevaient de se refermer dans leurs ministères respectifs. La différence est qu’il faut cette fois s’en réjouir. Si la nouvelle circulaire EAC n’annonce rien de bien nouveau, elle contribue à cimenter un ensemble de mesures positives prises durant le mandat de François Hollande, pour donner aux arts ainsi qu’à l’éducation artistique et culturelle la place qui leur revient dans « le projet global de formation de l’élève ». Au vu de la place faite par Mme Nyssen, nouvelle ministre de la culture, aux enjeux d’éducation artistique dans son discours lors de sa prise de fonction, gageons qu’aucun retour en arrière n’est à redouter.
l’action gouvernementale sous la dernière législature : trois lois pour l’EAC
La circulaire du 10 mai reprend les étapes de l’action gouvernementale sous la dernière législature : trois lois, dont la première rend obligatoire pour tous les élèves la notion de parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC), les deux autres abordant la question du territoire et celle de la liberté de création. Si pour l’assurance-chômage des intermittents tout n’est sans doute pas aussi réglé par l’accord de juillet 2016 que la circulaire veut bien le dire, la réforme des rythmes scolaires constitue de son côté une réforme majeure qui parallèlement aux enjeux éducatifs a contribué à développer sur le territoire la mise en œuvre d’une vraie politique culturelle, pour nombre de communes ou regroupements de communes qui n’en avaient pas. Il ne s’agit pas de faire dans l’angélisme. Bien des difficultés demeurent, la question des financements n’étant pas des moindres. Les autres difficultés restent la complexité à faire vivre une réelle concertation au niveau du cycle 3 entre écoles et collège, la faible implication encore des collègues du premier degré dans la mise en place des temps d’activité périscolaire (TAP/NAP) proposés par les mairies et structures associatives, là où la cohérence entre temps de classe et temps périscolaires seraient de mise, ou surtout le fossé entre les communes qui ont opté pour la totale gratuité et celles qui ont choisi de solliciter aussi peu que ce soit une contribution des familles. Mais dans le verre à moitié plein, notons cette simple prise de conscience de l’enjeu d’une proposition culturelle, pour l’ensemble des communes du territoire, comme celui d’un début de cohérence des parcours en particulier là où des PEDT (projets éducatifs territoriaux) ont été mis en place.
travailler à compenser autant que possible les inégalités territoriales et sociales
Le rapport sur l’éducation artistique et culturelle présenté en janvier 2017 par la député Sandrine Doucet (rencontrée par le Sgen-CFDT à l’automne dernier) insiste en particulier sur la nécessité pour une politique territoriale ambitieuse de travailler à compenser autant que possible les inégalités territoriales et sociales. La présente circulaire répond aux préconisations de ce rapport :
– pérenniser les avancées réalisées en consolidant et rendant irréversible l’EAC qui ne saurait plus être ni une variable d’ajustement, ni un choix gouvernemental optionnel amené à être réinterrogé à chaque alternance politique,
– généraliser pour tous les élèves et sur l’ensemble du territoire les rencontres avec les œuvres et les artistes, en priorisant territoires et élèves qui en seraient les plus éloignés. Ce qui suppose une traçabilité des parcours, et l’ambition en terme de moyens de permettre au moins une fois par cycle cette rencontre,
– consolider tant le travail déjà effectif des multiples acteurs concernés que leur coordination pour la mise en œuvre d’une politique territoriale cohérente et concertée.
Au final, si le SGEN-CFDT ne peut que se réjouir de cette circulaire qui reconnaît à l’EAC tant sa dimension d’éveil dans tous les temps de l’enfant (scolaire, péri- et extra-scolaire) que celui d’une nécessité de politique concertée de tous les acteurs, il lui revient désormais d’être vigilant pour veiller à sa mise en œuvre effective sur le territoire ; une mise en œuvre qui passe par une véritable politique de moyens et non d’affichage, comme par un travail de formation initiale et continue conjointe des acteurs, artistes, médiateurs, enseignants. Un autre enjeu restera de veiller à ce qu’une politique territoriale concertée au niveau politique ne contribue pas à fragiliser et assécher les propositions émanant des acteurs de terrain qui restent les vrais leviers d’une réussite effective de cette politique.